Puce Un bien insolite pèlerinage...
Comté, été 3018-TA


Après avoir dûment baillé, Lihene s'ébouriffa à pleines mains, faisant tomber à même le sol de l'auberge les brindilles d'herbe sèche logées dans ses mèches. Refermant la portée d'entrée derrière elle, la jeune femme fit quelques pas dans la salle commune avant de s'arrêter soudainement et de s'étirer avec une moue témoignant d'un mélange de plaisir et de torpeur. La nuit était encore jeune lorsqu'elle s'était réveillée, allongée à même le sol, à proximité de l'Oiseau et du Nourrisson. Outre son habituelle folie douce, elle était restée au dehors faute de trouver gaie l'atmosphère pesant dans l'auberge en soirée. Même le retour d'Eleane n'avait qu'illuminé les coeurs qu'un court instant avant que ceux-ci ne replongent bien trop vite dans la morosité d'un éperdu appel à la concertation.
- « Baranduin, rivière brune, Bralda-hîm et mousse ... », entonna-t'elle, toujours aussi prompte à relier le nom de la Capitaine à l'idée de bière... Bière qu'elle trouva sous la forme d'une chope laissée à moitié vidée sur l'une des tables. Sans façon ni manière, Lihene s'approcha et vida d'un trait ce qui restait du breuvage. Lorsque la pinte fut reposée sur la table, la jeune femme s'étira à nouveau, bras tendus et petits poings serrés, avant de se détendre et de s'avachir sur la chaise la plus proche avec un sémillant sourire. Yeux désormais fermés, la tête dodelinant au gré de pensées sautillantes, elle resta ainsi près d'une heure dans une heureuse pâmoison, reprenant parfois dans un murmure un air qu'elle seule entendait (ou croyait entendre, peut-être).

Tours d'Emyn Beraid

Bond brusque, repoussant la chaise en arrière.
- « Aaa-aah ! »
Lihene claqua des mains, poussa un irréfléchi cri de joie – sans se soucier le moins du monde de quiconque dormant dans l'auberge – et fonça vers la porte. Une fois à l'extérieur, elle claqua énergiquement la porte et marqua un arrêt sur le seuil. Là, elle tendit les deux mains – paumes ouvertes – vers le ciel nocturne, et partit d'un grand rire, fidèle aux frasques jonchant son quotidien. Aussi abruptement qu'il ne s'était déclaré, son éclat d'allégresse se drapa d'un voile de mélancolie perceptible tant sur l'adoucissement de son sourire que dans le timbre de sa voix.
- « Elostirion ... »
Elle secoua la tête, retrouva son engouement premier, et se dirigea d'un bon pas, chantonnante, en direction de la Grande Route de l'Est. Les trois tours d'Elendil et Gil-galad, et la mer qu'elles dévoilaient ; peut-être même au-delà, si l'improbable survenait et qu'elle soit autorisée à regarder.

Connaître ou ne rien savoir
t'avais choisi, pardi !
Et naître ou ne rien avoir
t'avais choisi ton paradis, pa-aar-di.
C'est insouciant, de s'pavaner,
la fleur aux dents, la fleur aux dents,
ou fricoter avec les songes
c'est impudent, c'est impudent
...

En cette nuit, alors que sa Compagnie se drainait de toute gaieté en se préparant à s'opposer à une ombre au-delà des plus funèbres estimations, Lihene, inondée d'insouciance, s'engageait sans prévenir vers deux jours de marche qui l'amèneraient bien loin d'Ost Barandor. Journées qui la guideraient, bien au contraire, vers l'Ouest, avec pour seul objectif, parsemer d'embruns les rêveries d'un soir ...


Auteur : Lihene
Musique par Strauß, image par Ted Nasmith
Paroles empruntées aux Têtes Raides