othiriel avait pesté contre son départ, tenté de le convaincre pour finalement tourner les talons, furieuse. Elle n’avait laissé derrière elle que la lettre de cachet obtenue auprès de son père pour accéder à la bibliothèque royale et un des portraits que Saelion avait fait d’elle. Ne m’oublie pas au Pays Béni.
’Elfe monta sur les remparts et s’approcha des créneaux, plongeant son regard sur les plaines qui s’étendaient au nord. Il distingua un cavalier qui galopait à brides abattues, jaugeant la vitesse du cheval en estimant qu’à ce rythme la pauvre monture ne tiendrait pas longtemps. Saelion crut reconnaître le vieillard qui avait quitté précipitamment la bibliothèque royale quelques heures plus tôt. Lui-même s’y était rendu pour tenter de dénicher un document levant le doute sur l’origine d'Edhellond. Tentative qui lui arrachait un sourire maintenant qu’il constatait son échec : si même les Elfes ne s’accordaient entre eux, comment les Humains auraient pu disposer d’un souvenir aussi précis ? Sindar de Brithombar et d’Eglarest, ou de Doriath ? La polémique continuerait sans doute à alimenter quelques conversations tardives aussi sûrement que le bois disparaîtrait dans la cheminée devant laquelle elles se tiendraient. Qui se souciait de cela, de toute façon…quelle utilité ? Après tant de temps passé à arpenter cette terre, il avait encore des lubies.
aelion releva la tête. Le cavalier n’était plus qu’un minuscule point qui s’apprêtait à se fondre avec la ligne d’horizon. Il avait pris la même direction que l’Elfe prendrait bientôt. Qu’il aurait déjà dû prendre. Venir à Minas Tirith revenait à faire un détour conséquent, mais le Sinda n’envisageait pas de regagner les Havres sans faire le chemin inverse de celui qui l’avait mené à Edhellond près de 10 siècles plus tôt. Sans doute une autre de ces lubies qui venaient l’assaillir sans relâche depuis qu’il avait entendu l’appel de la mer.
l plissa les yeux. Impossible d’ignorer les nuages qui s’amoncelaient à l’est…mais cela ne le concernait plus. En bien ou en mal, les Humains à présent régnaient sur les destinées de ce monde et de cet âge. Une patrouille passa sur le chemin de ronde. Comme tous les gardes qui l’avaient croisé, ceux-ci le regardèrent brièvement avec au mieux une interrogation au pire un soupçon. Sa taille et sa silhouette, bien que standard pour un Elfe, interpelaient…de même que son visage pour qui prenait la peine de se rapprocher. Mais la livrée de Dol Amroth, cygne blanc sur fond bleu, servait autant de garant que de protection. Les gardes, comme les précédents, retournèrent à leur ronde. Les hommes du Prince avaient conservé leur prestige.
aelion délaissa le chemin de ronde et entreprit de parcourir la longue route qui l’amènerait jusqu’aux écuries situées près des portes. Tout au long de sa marche il s’imprégna des odeurs des produits frais disposés sur les étals, des bruissements de conversation où il était question du temps, des enfants, des affaires, d’amour, de réclamations, d’inquiétudes…toutes choses qui ne le concernait plus et qui pourtant lui arrachèrent un discret sourire : la vie, dans ce qu’elle avait de plus quotidien, disposait encore de beaux jours devant elle.
Arrivé à l’écurie sans même s’en rendre compte, il récupéra son cheval, remercia le palefrenier et repartit aussi simplement qu’il était venu. Saelion avait emmené peu d’affaires, mais chacune renvoyait au souvenir d’une personne qu’il avait croisée. A bonne distance de la ville il s’arrêta et enleva la livrée de Dol Amroth. C’était convenu ainsi : une dernière fois au service du Prince et, passées les murailles de Minas Tirith, l’engagement était dissout. A nouveau seul. Une larme éphémère se forma au coin de l’œil du cavalier lorsqu’il éperonna sa monture. Remonter vers le nord, bifurquer vers l’ouest puis…