e fut une fois la Nuit tombée à l'Ouest du monde que l'Ennemi revint sur la Terre du Milieu. Aux Elfes du Beleriand, son retour fut aussitôt annoncé par les flots armés jaillissant des terres situées aux pieds de l'Angband, que l'on nommait Dor Daedeloth. Brusque, cet assaut mit un terme à la paix relative qu'avait connu le monde durant la captivité de Morgoth. A Doriath, au coeur du royaume elfique, un pouvoir parvint à maintenir les serviteurs de l'Ennemi à l'écart ; mais au-delà des frontières de ce havre, la guerre dura. Et perdura jusqu'à ce que s'élève des rivages du nord une clameur enfiévrée, témoignant de l'arrivée de la Maison de Fëanor. Bien qu'en large surnombre, les esclaves de l'Ennemi furent rapidement vaincus, et le Peuple Gris trouva joie et réconfort dans le retour de ces proches parents, dont la bravoure leur laissa croire que les Valar eux-mêmes avaient commandé le retour des Noldor afin qu'ils participent à la lutte s'annonçant.
Ainsi, lorsque les Elfes du Beleriand apprirent la venue d'autres Maisons Noldo, l'espoir redoubla dans leurs coeurs. Accompagnés par la première aube après leur traversée des étendues glaciales de l'Helcaraxë, ces Noldor là appartenaient aux Maisons de Fingolfin et des fils de Finarfin. Après avoir fait trembler les tours de l'Ennemi sous le défi de leurs trompes, ils terminèrent leur marche armée dans le nord du Beleriand, sur les terres du Mithrim. Là, ils retrouvèrent ceux de la Maison de Fëanor, et, là, les Noldor s'unirent sous la bannière de Fingolfin.
ommença alors les premières années des retrouvailles entre le Peuple du Beleriand et le Peuple de Finwë. Les Maisons princières de celui-ci s'établirent dans les contrées libérées par leur venue, où les Noldor vécurent au contact des Sindar.
S'avérant bien plus brèves que celles de l'ancien monde, vingt années solaires vinrent à passer avant que les Maisons des Premiers Nés ne soient toutes réunies. Dû à l'initiative du Haut-Roi des Noldor, Fingolfin, ce rassemblement fut nommé Mereth Aderthad, le Festin de la Réunion. Et en effet, de nombreux Elfes se réunirent autour des eaux du lac Ivrin ; les gens de Fingolfin comme ceux de Finarfin, les Déshérités de la Maison de Fëanor, mais aussi ceux du Peuple Gris parcourant librement le Beleriand comme ceux suivant le Seigneur Círdan, et même ceux du Pays des Sept Rivières, vivant pourtant reclus depuis la première bataille du Beleriand. Le coeur des Eldar se réjouissait alors ; dès leur arrivée, les Noldor n'avaient-ils pas repoussé l'Ennemi jusqu'aux portes mêmes de son domaine, avant de l'y confiner depuis lors ? Lune et Soleil n'avaient-ils pas apporté joie et consolation ? Des alliances brûlantes d'espoir et vibrantes d'amitié furent alors conclues entre Maisons et familles, car, de tous les Sindar, seul Elu Thingol de Doriath avait la sagesse de ne pas croire que la bénédiction des Valar suivait les Noldor.
ette année là, auprès des eaux vives de la Narog, le printemps du Mereth para de couleurs vives la fëa d'un Sinda. Vivant de chasse au sein d'une compagnie résidant dans l'Hithlum, son nom était Gladereg, mais lui-même l'oublia lorsque son regard trouva à effleurer Nárindórë, une Noldo de la Maison de Finrod, aux cheveux dont les éclats roux rappelaient les aurores d'Anor.
es gens de Finrod, il est conté qu'ils regrettèrent amèrement l'Exil vers la Terre du Milieu, et que ces Noldor gardèrent plus que tout autres gravé en eux le souvenir vivace des lampes de Mindon Eldaliéva, la Tour blanche surplombant Tirion. Ainsi, dans la flamme de l'Ouest dansant au fond des yeux de Nárindórë, Gladereg découvrit un manque resté jusqu'alors inconnu. Dans la mémoire que ce regard reflétait, le Sinda sentit éclore en lui les regrets d'un choix donné à son Peuple tant de siècles plus tôt. Nombreuses furent leurs conversations, après qu'il l'ait approchée ; le coeur paisible de Gladereg folâtrant avec le tempérament passionné de la Noldo, qui était aussi prompte au rire qu'à la colère.
Savante à la manière de son Peuple, mais néanmoins exilée en des terres où tout lui restait à découvrir, Nárindórë ne fut pas avare de questions ; vivant depuis toujours au nord du Beleriand, proche des terres de Morgoth, et dans l'ombre du Thangorodrim, Gladereg ne fut pas aride en réponses, lorsqu'elles lui étaient connues, mais aussi lorsqu'il s'exerçait à les broder, tant par jeu que pour le plaisir d'être scruté par le regard volontaire de Nárindórë.
ientôt, le temps du Mereth Aderthad parvint à son terme. Lorsque Gladereg proposa en toute simplicité à Nárindórë de l'accompagner en Hithlum, la Noldo rejeta l'offre. Avant d'aussitôt renverser la suggestion, et de l'inviter – lui – à la suivre vers Minas Tirith, à Tol Sirion, où son allégeance envers Finrod la guidait...